[TRIBUNE] Comment la finance participative peut-elle contribuer au financement des TPE / PME ? 2/3

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Nicolas lesur

Nicolas lesur – fondateur de la plateforme de prêt participatif Unilend

Quand les intérêts des PME et des épargnants se rencontrent

1 La diversification des sources de financement devient indispensable pour les TPE/PME

Comme l’a rappelé le dernier rapport de Paris Europlace, le financement des TPE et des PME françaises est aujourd’hui assuré à plus de 90% par les banques. Or, le consensus des acteurs impliqués dans le financement de l’économie est sans appel : le système bancaire ne sera pas capable de répondre à l’intégralité des besoins de financement des entreprises dans les années à venir[1]. Les banques voient en effet leurs capacités de prêter amputées en raison des exigences de fonds propres renforcées par les règles prudentielles dites de Bâle III. On peut ainsi estimer qu’à fonds propres constants, la capacité structurelle de prêt des établissements de crédit se réduit de plus d’un tiers. Ce tarissement structurel du crédit bancaire impose aux entreprises de faire appel de façon croissante au financement par les marchés et par le public. Or, si les grandes entreprises et les ETI ont déjà accès à ces financements de marchés, notamment obligataires, tel n’est pas le cas des deux millions de TPE/PME qui constituent le socle de l’économie française.

La diversification des sources de financement est pour l’instant le privilège des grandes entreprises et des ETI dont les besoins de financement s’élèvent au minimum à 10 millions d’euros en raison des coûts et des contraintes de ce type d’émission. Le coût d’une émission obligataire ne peut guère être inférieur à 500 000 euros si l’on agrège le temps nécessaire à sa préparation, les honoraires de conseil financiers et juridiques, le prix de la notation obligatoire par une agence spécialisée, la rédaction du prospectus d’émission pour l’Autorité des marchés financiers et les frais d’admission sur les marchés. A ce prix, et en dépit de certaines initiatives de mutualisation visant à répartir les coûts, le financement obligataire n’est accessible qu’aux quelques centaines des plus grosses entreprises françaises.

A cela s’ajoute une autre mutation prévisible du modèle économique de la banque de détail dont les conséquences indirectes sur l’accès au crédit des TPE/PME ne sont pas encore perceptibles. L’appétit croissant des particuliers pour une relation à distance, facilitée par l’usage d’Internet, remet profondément en question le modèle de distribution des réseaux bancaires et le rôle des guichets physiques. Les mutations à l’œuvre pourraient ainsi conduire à une diminution significative du nombre d’agences bancaires en France. A titre de comparaison, la banque néerlandaise ABN AMRO compte autant de clients avec 400 agences que la banque française LCL avec 2 000 guichets. La baisse continue de la fréquentation des agences bancaires risque donc d’entraîner un mouvement de réduction du nombre d’agences que l’étendue du territoire ne justifie plus désormais en raison de l’appétit croissant des Français pour une relation à distance (téléphone, Internet). Si les particuliers s’accommodent bien volontiers des relations bancaires à distance, cette disparition progressive de nombre d’agences sur tout le territoire français présente un enjeu fort pour le tissu économique des TPE/PME. Elle menace en effet de les priver de la compréhension fine de leurs activités par leur banque de proximité, compréhension qui est souvent la clé de la confiance nécessaire à l’octroi d’un crédit.

Face aux mutations du système bancaire traditionnel, l’exclusion financière des TPE/PME représente l’un des enjeux majeurs du financement des entreprises françaises pour les années à venir.

2 L’épargne des Français, abondante et peu productive, est en quête de rendement et de sens

Pourquoi les épargnants français peuvent-ils avoir intérêt à financer eux-mêmes directement les TPE/PME ? La question mérite d’être posée tant l’épargne française est solidement constituée sur des principes de sécurité et de liquidité, souvent au détriment du rendement voire de la transparence.

Les 4 000 milliards d’euros de l’épargne financière des ménages se répartissent en trois grands ensembles à peu près équivalents en volume : l’assurance-vie, les livrets et dépôts bancaires et les investissements en OPCVM et en actions. Tous ces produits sont confrontés à une remise en question simultanée en raison de la faiblesse désormais structurelle de leurs rendements. L’assurance-vie offre des rendements souvent inférieurs à 3% et connaît une certaine défiance depuis la crise des dettes souveraines. Les actifs risqués, notamment les actions, sont pénalisés par la très forte versatilité des cours observée depuis 2008. Les actifs perçus comme non risqués, notamment les livrets bancaires, sont désormais privilégiés par les ménages français alors même que leur rendement ne dépasse guère 1%. Les épargnants sont ainsi confrontés à une réelle difficulté pour trouver des placements avec un couple risque/rendement adapté à leurs besoins.

La troisième et dernière partie de l’article sera disponible demain !


[1] Paris Europlace, Financement en Dette des PME/ETI. Nouvelles Recommandations, 10 mars 2014.

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