[TRIBUNE] Comment la finance participative peut-elle contribuer au financement des TPE / PME ? 3/3

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Nicolas lesur

Nicolas lesur – fondateur de la plateforme de prêt participatif Unilend

Conjuguer les intérêts des épargnants et les besoins des TPE/PME dans un système de prêt 

La finance participative permet de faire coïncider la nécessaire diversification des sources de financement des entreprises avec la quête de rendement et de transparence des épargnants français grâce aux outils numériques. Bien entendu, la mise en relation directe entre des prêteurs, autrement dit des épargnants, et des emprunteurs professionnels, les TPE/PME, pose plusieurs questions auxquelles les intervenants de la finance participative se doivent de répondre. Au centre de ces enjeux, la protection de l’épargnant est bien entendu essentielle : comment permettre à ce dernier de prêter son argent conformément à ses besoins et en toute connaissance des risques encourus ? Plusieurs axes doivent être envisagés : la transparence de l’information, la prévention des risques, les modalités de fixation de la rémunération de cette épargne.

1 La question de l’asymétrie de l’information et de la protection de l’épargnant

La réduction de l’asymétrie d’information entre l’entreprise désireuse d’emprunter de l’argent et l’épargnant envisageant de lui en prêter est la clé d’une confiance mutuelle à bâtir. Offrir une transparence de l’information à l’épargnant est essentiel pour qu’il puisse choisir en connaissance de cause les projets auxquels il souhaite prêter son argent. Cette information doit être de trois ordres : les détails sur l’entreprise et son projet, la nature du financement demandé avec ses risques et ses gains potentiels, enfin les modalités d’affectation puis de remboursement de l’argent.

L’information concernant les détails sur l’entreprise et son projet doit permettre de répondre aux trois questions essentielles que tout prêteur doit se poser : à qui est-ce que je prête ? A quoi sert mon prêt ? Comment vais-je être remboursé ? Pour étayer la réponse à ces trois questions, une explication détaillée ne peut suffire. Ces éléments doivent être vérifiés par l’intermédiaire en financement participatif à partir de contacts avec le dirigeant voire l’expert-comptable de l’entreprise qui emprunte mais aussi au travers des documents et informations légales recueillis (liasses fiscales, extrait K-bis, comptes certifiés, etc.). Le recours à un tiers, qu’il s’agisse d’un assureur-crédit ou d’un réseau d’accompagnement comme Réseau entreprendre par exemple, doit être également utilisée pour conforter ces analyses et vérifications.

Bien évidemment, l’épargnant doit pouvoir être assuré de la bonne affectation de son argent au projet choisi. A ce titre, le recours à un établissement de paiement chargé d’opérer les flux financiers permet d’assurer à chacun une saine séparation des activités et l’absence de collusion : les fonds des épargnants sont ainsi bien distincts des activités opérationnelles de l’intermédiaire en financement participatif. Cette séparation des activités peut se comparer aux relations entre un notaire et la Caisse des dépôts et consignations ou entre une société de gestion de portefeuille et son dépositaire. De surcroît, les contrats individuels directs entre chaque prêteur et l’emprunteur permettent d’assurer la traçabilité de l’affectation de l’argent réuni par l’emprunteur puis la bonne répartition des remboursements auprès de chacun des prêteurs.

2 La prévention et la diversification des risques

La prévention sur les risques encourus doit ainsi se faire à deux niveaux : le mécanisme utilisé pour prêter et l’information sur la nature des risques encourus.  L’épargnant doit en effet avoir conscience que prêter son argent présente, d’une part, un risque de non-remboursement et entraîne, d’autre part, une immobilisation partielle de ses fonds pendant la durée du prêt. Ainsi, le fait de pratiquer des emprunts amortissables permet de réduire ces deux risques puisque les remboursements constitués de capital et d’intérêts sont mensuels et démarrent dès le premier mois. L’incertitude du remboursement du capital constitutive du prêt in fine (comme dans le cas des obligations par exemple) est ainsi largement atténuée. De plus, l’incident de paiement, s’il devait avoir lieu, interviendrait statistiquement à un moment où une partie du capital aurait déjà été remboursée, limitant ainsi la perte effective du prêteur.

En outre, un avertissement explicite et formulé dans un langage compréhensible par tous doit être la règle. Unilend a ainsi choisi la phrase suivante : « Prêter présente un risque de non-remboursement : répartissez bien vos prêts et ne prêtez que de l’argent dont vous n’avez pas immédiatement besoin. » Enfin, n’oublions pas, et l’expérience des centaines de prêteurs actifs au cours de nos premiers mois d’existence nous le confirme, que chacun sait concrètement que prêter est bien différent de placer son argent sur un livret réglementé. La plupart d’entre nous avons déjà prêté de l’argent, même de petites sommes, à des proches et savons donc que nous pouvons ne pas être remboursé. En l’espèce, donc, ne sous-estimons pas l’intelligence des épargnants français. Comme le dit le célèbre publicitaire David Ogilvy, « le consommateur n’est pas stupide, c’est votre femme. »

Enfin, permettre la diversification des risques est tout aussi crucial : pour reprendre l’adage populaire, « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». A ce titre, il est fondamental d’avoir à l’esprit que les outils numériques actuels permettent à l’épargnant de contracter des prêts de faibles montants à des coûts raisonnables et de se constituer un portefeuille de plusieurs dizaines de prêts avec un montant accessible à tous.

3 La question du juste taux d’intérêt

Enfin, les modalités de fixation des intérêts doivent également permettre à l’épargnant d’espérer un rendement qui tienne compte des risques pris.

Dans le modèle économique des banques, le crédit aux TPE/PME est extrêmement coûteux à opérer en raison des détails d’analyse requis pour des volumes unitaires étroits. Les banques tendent ainsi à octroyer du crédit (et donc à mobiliser des fonds propres de plus en plus coûteux) aux clients les plus capables d’assurer d’autres sources de revenus : flux et moyens de paiement, assurances, etc. Le crédit est dès lors moins un produit central de l’offre bancaire qu’un outil d’acquisition, au même titre que l’octroi d’un crédit immobilier est le premier moyen d’acquérir un nouveau client particulier. La fixation du prix du crédit est donc liée à une multitude de facteurs parmi lesquels la rémunération du risque n’est pas nécessairement le plus important.

Pour un épargnant ou un investisseur, la question du taux d’intérêt d’un prêt se présente tout à fait différemment. La juste rémunération de son épargne doit en effet couvrir :

  • l’inflation : c’est la perte de la valeur de la monnaie à travers le temps.
  • le risque d’impayé : en France, les impayés des PME représentent 1 à 1,5% du montant total des financements bancaires. Cela veut dire que sur 100 entreprises, il est probable qu’une ou deux ne rembourseront pas complètement.
  • l’indisponibilité de l’argent : quand un épargnant prête son argent à une entreprise, elle lui rembourse chaque mois une partie de ce qu’elle lui doit mais l’épargnant ne peut pas récupérer son argent entièrement avant la fin du prêt.
  • les impôts : pour les personnes physiques, les intérêts sont imposés au taux progressif de l’impôt sur le revenu auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux. Ils ne bénéficient, à ce jour, d’aucun avantage fiscal.

Si l’inflation, le risque d’impayé et l’indisponibilité de l’argent sont a priori identiques pour tous, tel n’est pas le cas de l’impôt. Selon ses revenus, le prêteur sera imposé plus ou moins fortement, de 15,5% jusqu’à 64,5% de ses gains. Autrement dit, pour compenser une inflation à 1%, un coût du risque de 1,5% et un coût d’immobilisation de 1%, l’épargnant le moins imposé doit prêter au moins à 4,1%, quand le plus imposé doit, lui, prêter au moins à 9,9%.

La finance participative permet d’utiliser un système de fixation du taux d’intérêt qui n’est pas imposé par la partie en position de force à l’autre partie. La transparence d’information de l’emprunteur, d’une part, et la multiplicité potentielle des prêteurs, d’autre part, permettent d’utiliser des systèmes d’enchères pour former un prix qui soit bien la conséquence des attentes et des besoins des deux parties. Dit autrement, dans la mesure où personne ne sait individuellement fixer le juste taux d’intérêt de l’emprunt d’une TPE/PME, laissons l’intelligence collective former ce prix. Ainsi, l’emprunteur vertueux dans sa transparence se verra récompensé et les contraintes individuelles des prêteurs pourront être prises en compte. Les enchères, en mobilisant les anticipations d’une multitude d’acteurs indépendants, permettent de fixer le prix avec le meilleur niveau d’information possible tout en laissant à chacun d’eux la possibilité d’intégrer ses propres contraintes. Au final, le but est bien d’obtenir un seul financement qui soit la réunion de contrats strictement individuels entre chaque prêteur et l’emprunteur, gage de la juste affectation des fonds et du lien direct entre épargnant et entreprise.

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