Moscou, capitale de la Russie avec près de 15 millions de crowdfunders potentiels, et également la deuxième ville au monde en termes de concentration de milliardaires . Il est intéressant de voir si le crowdfunding ou « Narodnoye finansirovaniye » à sa place ! Rencontre avec Dr. Karina Fomina – Intervenante au Master Socio-Economie de l’Université d’Etat MGU qui a récemment co-écrit un essai sur ce sujet.
Depuis combien de temps parle-t-on de crowdfunding en Russie ?
Le terme de crowdfunding reste très méconnu en Russie et seul quelques spécialistes connaissent la définition. On parle en Russie de « Народное финансирование » que l’on pourrait traduire par financement populaire.
Existe-t-il des plateformes de crowdfunding en Russie ?
On trouve principalement deux plateformes généralistes de crowdfunding: BoomStarter et Planeta. Ces deux sites, accessibles seulement en russe, sont dédiés avant tout aux contributeurs russes ou de la communauté des ex pays soviétiques. Ils misent sur la proximité.
Ces plateformes ont été créées fin 2011 et sont inspirées des modèles américains comme KickStarter.
On trouve également Kroogi dédié aux projets artistiques. Depuis juin 2013 on a vu l’arrivée du site SmartMarket spécialisé en equity crowdfunding, créé par la société de capital risque SREDA.
Depuis sa création, Boomstarter a récolté 23,456,232 roubles (521 249 euros) ce qui reste encore très loin des plateformes américaines ou européennes.
Il est intéressant de noter qu’en Russie environ 80% des projets IT/Internet sont des copies de « success-story » américaines ou européennes qui trouveront facilement leur audience dans la communauté russophone.
Quels genres de projets trouve-t-on sur les plateformes de crowdfunding russes ?
Les projets russes sont similaires aux projets que l’on peut trouver sur KickStarter par exemple.
On retrouve aussi bien des projets artistiques, à vocation solidaires, ou des projets entrepreneuriaux. Néanmoins seuls les projets artistiques trouvent vraiment leurs contributeurs. Par exemple, le projet « Спортивного календаря » (calendrier sous forme de dessins pour les jeux olympiques de Sotchi) Boomstarter a été financé 1 453 900 roubles (32 308euros) et représente l’une des plus grosses réussites du crowdfunding russe.
Pouvez-vous nous en dire plus concernant la législation liée au crowdfunding en Russie, aussi bien sur le don que sur le capital-investissement?
La Russie possède actuellement un vide juridique concernant l’encadrement du crowdfunding.
Les plateformes de dons proposent plusieurs projets présélectionnés et récoltent l’argent grâce aux systèmes de paiement en ligne proposés par des operateurs comme QiWi ou Megafon.
Concernant l’investissement en capital, seul SmartMarket a fait son apparition via le statut de sa société mère SREDA (SREDA est une société de capital-risque basée à Moscou).
Le rapport TELEFONICA Startups Ecosystem de 2012 (http://multisite-blog.digital.telefonica.com.s3.amazonaws.com/wp-content/uploads/2013/01/Startup-Eco_14012013.pdf) classe Moscou en 12eme position au palmarès des villes possédant le meilleur écosystème pour les startups, mais seulement en dernier concernant l’accès au financement pour ces dernières. Le crowdfunding peut-il être une réponse à cette problématique ?
Il y a une stérilité certaine dans le financement de l’innovation en Russie avec une infériorité équivalente à 80% en terme d’accès au financement en comparaison avec la Silicon Valley.
Je reste assez sceptique sur l’investissement en crowdfunding en Russie. En effet, il est, selon moi, difficile de trouver des fonds pour une société par le biais d’investisseurs qui ne rencontrent pas physiquement le porteur de projet.
En effet, en Russie, l’investissement en capital via des personnes physiques (business angels par exemple) s’effectue principalement par relation et recommandation. L’appréciation de l’équipe porteuse de projet est le critère clé dans la décision d’investissement.
Que conseillerez-vous à une plateforme de Crowdfunding qui souhaiterait s’implanter ou opérer en Russie ?
Il est avant tout important de trouver un partenaire/consultant russe qui puisse aider la plateforme en terme juridique, mais aussi lui apporter une connaissance du marché.
Il est aussi indispensable (dans le cadre d’un plateforme internationale) que le site apporte une certaine crédibilité à un projet russe pour trouver des crowdfunders étranger et vice et versa.
