Crowdfunding et musique classique [Épisode 4]

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Episode 4 : Crowdfunding et musique classique : petit tour des bonnes pratiques.

 

Article 4 photo credit Francois Sechet

Avant de mener une campagne de crowdfunding, le porteur de projet doit prendre en considération un certain nombre de points essentiels afin que la collecte se déroule au mieux et soit un succès ! Les points que nous allons évoquer seront également ceux que la plateforme examinera avant de valider le projet et de lui octroyer le droit de mettre en œuvre la campagne.

Il vaut donc mieux regarder la « ligne » artistique/éditoriale de la plateforme avant de se lancer !

Le porteur de projet doit ainsi à la fois, en amont, réfléchir à la pertinence de son projet, sa viabilité, et être capable de mettre en exergue les spécificités de celui-ci (ce qui le différencie d’autres projets existants dans le même domaine). Les bonnes questions à se poser sont donc « qu’est-ce que cela changer à la relation avec le public ? Pourquoi ce concert serait-il susceptible d’intéresser le public plus qu’un autre parmi les centaines de concerts qui ont lieu chaque jour en France ? ».

La campagne doit également être cohérente et réaliste dans l’objectif de collecte fixé par rapport au public visé.

En musique classique et en France, il semblerait le montant des campagnes pour des productions d’événements musicaux tous genres confondus rencontre un pallier aux alentours de 4000 euros et que la contribution moyenne soit aux alentours de 45 euros[1]. Outre ces données, qu’il est nécessaire d’avoir en tête, la collecte de fonds doit aussi prendre en considération la taille de la communauté, composée des réseaux personnel et professionnel ou encore de fans susceptibles de contribuer. A partir de là, il est possible de calculer un potentiel objectif de collecte.

Ensuite, il apparaît nécessaire, pour le porteur de projet, notamment lorsque son projet est très spécialisé comme c’est le cas en musique savante, que soient déterminés :

1. Les objectifs du projet (budget, public visé, perspectives de développement, pérennité) : le projet doit être original et attractif. Il faut que le public puisse s’y identifier et qu’il suscite une envie auprès de l’internaute. Celui-ci participera s’il souhaite que le projet de l’artiste, de par sa qualité et ses spécificités, se réalise. Le porteur de projet doit bien évaluer la part prise par le crowdfunding dans son projet en envisageant une solution de repli dans le cas où la collecte n’atteint pas le montant fixé. L’autre solution, complémentaire, peut être d’affecter le financement venant de la future collecte à un point du projet qui, si les fonds sont trop faibles ou inexistants pour pourvoir à la réalisation de cette partie précise, n’affectera pas outre mesure la mise en œuvre et viabilité du projet. En somme, il ne vaut mieux pas se reposer entièrement sur la future collecte ! On notera sur ce point qu’il est préférable, ne serait-ce que comme gage de confiance à présenter à l’internaute financeur, que le projet ait déjà des partenaires (financiers, institutionnels, organisationnels) engagés avant de se lancer dans une campagne de financement participatif. Le porteur de projet ne doit pas non plus oublier d’intégrer dans son budget le montant de la commission de la plateforme et le prix des contreparties, le cas échéant, et les frais de port pour leur acheminement. L’objectif financier doit être réaliste : la personne qui met en œuvre la campagne et budgète la production doit viser le minimum vital pour la réalisation en espérant pouvoir bénéficier d’un léger surplus.

2. La durée de la campagne : le temps imparti pour la collecte dépend du type de crowdfunding choisi. Comme l’exposent de nombreuses plateformes : court, c’est mieux. En effet, les campagnes menées sur des plateformes de « don contre contreparties » ou de coproduction avec intéressement au résultat (soit les plateformes Ulule, KissKissBankBank, MyMajorCompany) nécessitent en général deux fois moins de temps pour atteindre leurs objectifs (moyenne à 5 semaines), quelque soit le montant, que les campagnes menées sur des plateformes de prise de participation au capital (8 semaines) ou de prêt solidaire (10 semaines)[2].

Toujours en musique, il semble également préférable que le projet ou le porteur de projet lui-même (artiste, ensemble, orchestre, salle, festival) ait déjà été identifié par le public, qu’il ait une communauté préexistante, qu’elle soit ou non déjà agglomérée sur Internet (via  les réseaux sociaux ou par un abonnement à la newsletter de la structure ou de l’artiste lui-même).

On distingue deux cas de campagne possible en musique classique : soit le porteur de projet a une communauté de proches et d’amis susceptibles de pouvoir donner et un objectif de campagne modeste soit le porteur de projet a une réputation déjà établie, auquel cas, il pourra toucher un plus grand nombre de personnes et tendre vers un objectif de collecte plus grande.

Fort de ces considérations préalables, le porteur de projet devra aussi sonder sa capacité à susciter un engagement émotionnel, une adhésion auprès de sa communauté par la présentation et la communication qu’il pourra faire autour de son projet puisé de ses convictions personnelles. Il devra également mesurer son degré de disponibilité et être conscient de l’engagement que va pouvoir lui demander la mise en œuvre et la gestion de la campagne.

Enfin, la méthode pour récolter des fonds avec succès dans une campagne de crowdfunding sera toujours découpée en ces quatre étapes fondamentales :

1. La rédaction de la page du projet et son illustration : créer un contenu riche mais clair, avec un impact

2. La promotion  du projet : c’est le moment de faire le tour de ses amis, proches et de créer  une viralité de façon méthodique afin d’engager le plus de personnes à donner !

3. L’alimentation du projet : rendez vos campagnes vivantes ! Nous avons aujourd’hui une panoplie d’outils pour cela : réseaux sociaux (Facebook, Twitter) – efficaces dans une stratégie visant les relais d’influence (deuxième cercle) et des personnes n’ayant aucun lien familial ou amical éloigné avec le porteur de projet (troisième cercle) – l’emailing, le relais des informations sur un blog ou le site du porteur de projet, la presse, le téléphone voire une communication sur supports papiers (affiches dans le quartier du porteur de projet, flyers) et des événements pour communiquer sur la campagne

De ce petit post sur les « bonnes pratiques » d’une campagne de crowdfunding, vous pouvez retenir une chose : il est essentiel de développer vos talents de communicant, fédérateur et d’animateur auprès de la communauté créée, sinon il sera impossible de lever des fonds.

Un dernier soupçon de retour sur les expériences observées pour toutes les chances mettre de son côté : faire preuve de transparence totale en étant capable de maintenir un niveau d’information élevé pour que les contributeurs continuent d’adhérer au projet, de communiquer sur celui-ci et que d’autres internautes aient envie d’apporter à leur tour leur soutien.

Pourquoi ? Parce la possibilité de pouvoir interagir avec l’artiste ou l’organisation et de suivre le processus créatif est un des aspects novateurs et original du crowdfunding. Je dirais même plus : son essence ! Ce n’est pas tous les jours que l’on donne au public la possibilité de s’investir dans la mise en œuvre d’un événement en musique classique par le simple fait d’avoir suscité en celui-ci le désir de mieux connaître l’artiste et de faire partie de « l’aventure ».

C’est cette dimension innovante du financement participatif que nous devons cultiver et qui peut être un atout dans la production de projets « alternatifs » en musique classique.

Alors, qu’attendez-vous ? A vos projets !

Crédit photo : © François Sechet



[1] Données concernant l’ensemble des campagnes de crowdfunding menées dans le domaine de la musique classique récoltées depuis 2010 jusqu’à la fin juin 2013 sur un panel de 27 plateformes (liste disponible à la fin de mon précédent article)

[2] Source : Kristof DE BUYSERE, Oliver GAJDA, Ronald KLEVERLAAN, Dan MAROM Dan, « A Framework For European Crowdfunding », association pour le développement du crowdfunding en Europe, 2012, p. 22

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À propos de l’auteur

“Terminant un Master professionnel de Gestion et d’Administration de la musique à Paris IV – Sorbonne, je réalise un mémoire sur l’intérêt du financement participatif pour la musique classique. Ce mémoire s’inscrit dans une démarche plus globale : je suis convaincue qu’un rapprochement entre culture et économie en vue de créer une dynamique d’échange, poursuivre des intérêts communs, créer des façons alternatives, innovantes de produire et financer des événements profondément inscrits dans les besoins d’un territoire, pour des citoyens, constitue un avenir durable et pertinent pour la culture, pilier d’une société.”

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