Le Crowdfunding est-il freiné par un environnement légal inapproprié ?

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Pour le « crowdfunding » et contre le « credit crunch », il faut vite légiférer

En mai, François Hollande a lui-même annoncé la mise en place d'un cadre juridique au financement participatif.

Comme chacun sait, l’actuelle récession est plus agréable que celle de 2008 et la France ira bientôt mieux, la courbe du chômage va s’inverser et la confiancerevenir. Mais au-delà du  » wishfull thinking «  et des effets d’annonce, n’y a-t-il pas urgence à poursuivre et multiplier les reformes structurantes au profit de la croissance ? Bien évidemment.

Parmi celles-ci il en est une, facile, qui ne doit pas attendre. Elle concerne les sites internet de crowdfunding, aussi dits de financement participatif, qui ont le vent en poupe et révolutionnent le financement de la culture, de la solidarité et de l’entrepreneuriat, c’est une évidence.

Mais de qui s’agit-il ?

En France, c’est une trentaine de sites pour une collecte cumulée de 40 millions d’euros en 6 ans, une goutte d’eau comparé au reste du monde: 5 milliards de dollars (3,85 milliards d’euros), ce sera le montant collecté dans le monde cette année par 500 plateformes de don, de prêt ou d’equity. Et cela bouge vite, une nouvelle se crée chaque jour.

Les analystes estiment le potentiel de collecte du crowdfunding à 1 000 milliards de dollars (768 millions d’euros) à horizon de dix ans. Au regard de ces chiffres, le crowdfunding fait un peu penser au cloudcomputing ; une totale évidence… à condition de lui donner les moyens de son développement, y compris en ce qui concerne les acteurs nationaux.

POTENTIEL DE COLLECTE

Ne pas s’emparer du sujet en toute urgence, c’est – une fois de plus – la garantie d’être débordés et écrasés par les Américains dont l’un des leaders, le site  » TheLending Club « , a été fondé par… un Français basé à San Francisco.

Prêtons-nous à un calcul un peu simpliste: si le potentiel de collecte du crowdfunding est de 1 000 milliards de dollars, une simple projection à hauteur du poids de l’économie française dans le monde donne un potentiel de 6 milliards d’euros de collecte dans l’hexagone. A l’heure de la rigueur et du crunch funding, difficile d’y rester indifférents.

Or les règlementations françaises (et européennes) relatives à la finance sont totalement inadaptées au crowdfunding, qui doit en urgence se doter d’un arsenal réglementaire propre. Les multiples obstacles à son développement doivent sauterau plus vite et toute résistance, fusse-t-elle corporatiste, ministérielle ou parlementaire à l’édiction d’une règlementation allégée serait d’autant plus indécente que ces nouveaux outils ont pour particularité de permettre le financement d’une immense quantité de projets habituellement rejetés par la finance traditionnelle.

dire vrai, nous vivons dans un pays merveilleux l’on peut perdre en toute légalité la totalité de son épargne sur des sites de paris en ligne, alors qu’il est quasiment impossible d’investir en trois clics 1000 euros dans le capital d’une entreprise ou de prêter moyennant rémunération à l’association de son cœur.

L’on a envie d’hurler à l’hypocrisie ! L’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) viennent d’ailleurs de rappeler, dans une note circonstanciée, les cadres réglementaires auxquels elles estiment devoirraccrocher le financement participatif. Elles sont là dans leur rôle le plus strict en rappelant que le risque de ces activités existe et que le grand public doit en être informé, c’est normal. Il n’y a aucune raison que l’on ne découvre pas un jour ou l’autre les dérives ou les abus de petits malins qui auraient profité d’un système mal réglementé.

AUTORITÉ DE TUTELLE

Il serait d’ailleurs naïf de penser que la finance participative, sous couvert d’innovation et de réseaux sociaux, serait en droit de s’exonérer de toutes normes de transparence et de contrôle autant qu’il serait naïf de laisser à penser que le simple fait d’une finance en trois clics exempterait l’internaute des risques de la finance traditionnelle.

L’e-réputation souvent cité en garde-fou ne sera jamais une garantie réelle, l’absence de contrôle par une autorité de tutelle laissera toujours place aux arnaques. Le passé récent montre que le rêve de la finance participative peut vite se transformer en cauchemar pour l’internaute qui aurait choisi la mauvaise plateforme au mauvais moment, il ne faut pas l’occulter.

Cependant et au-delà des effets d’annonce, Fleur Pellerin (ministre déléguée à l’innovation) en janvier et François Hollande en mai, nous attendons de la constitution du prochain groupe de travail annoncé par l’Elysée la délivrance d’un texte adapté à ce secteur émergent et non une tentative d’assimilation de ces sites aux activités financières traditionnelles, comme tendent à le laisser supposerles recommandations de l’AMF et l’ACP.

Les acteurs du secteur travaillent depuis des mois sur les cadres juridiques àproposer au législateur, et il serait dramatique de raisonner en une sorte de copier-coller des statuts et autres réglementations actuellement applicables à l’activité bancaire et à l’appel public à l’épargne : qu’on se le dise haut et fort, ils sont totalement inadaptés et tueraient dans l’œuf l’émergence de ces nouveaux outils de financement.

L’esprit du texte doit être simple et efficace, il doit permettre à ces activités de se développer dans un cadre efficace et non corseté des contraintes de la finance traditionnelle. On songe au Jobs Act américain, déjà voté lui, qui traite le sujet par le bon bout de la lorgnette, en édictant par exemple des seuils au deçà desquels le crowdfunding peut se développer en dehors des cadres trop contraignants de l’activité bancaire ou de l’appel public à l’épargne.

Une telle approche, simple à mettre en place, se complèterait fort logiquement de mesures de contrôle auprès de l’ACP et l’AMF, par l’édiction d’un statut propre d’établissement de finance participative qui s’imposerait à ses acteurs.

Mesdames et messieurs les gouvernants, les caisses ne sont pas bien pleines pour soutenir en France la culture, la solidarité et l’entreprenariat, vous avez là la possibilité de leur ouvrir de manière très simple de nouvelles sources de financement. Celles de la communauté de citoyens qui veut donner du sens à son argent en investissant le tissu productif et créatif français, plutôt que de parier sur le 2 contre 1 du prochain OM – PSG… N’ayez pas peur de faire preuve d’audace, la France y gagnera !

Lire l’article : http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/06/03/pour-le-crowdfunding-et-contre-le-credit-crunch-il-faut-vite-legiferer_3422666_3232.html

 

 

Photo : © AP/Thibault Camus

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À propos de l’auteur

“Après un master II entrepreneuriat, c’est en travaillant sur le financement des startups que j’ai découvert le crowdfunding. Passionné par la nouveauté et le web j’ai co-créé Good Morning Crowdfunding pour faire connaître ce marché."

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