Crowdfunding, patrimoine culturel et musées : l’union du siècle ?

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Le crowdfunding pour la culture

Depuis son avènement, le crowdfunding connait des difficultés à se défaire de son image de mode de financement destiné aux artistes « fauchés ». Demander de l’argent à des particuliers peut en effet avoir une connotation péjorative pour beaucoup : cette démarche n’est rien d’autre qu’une solution de secours, l’ultime recours qui peut « sauver la mise » de notre projet. Certains diront même que lancer une collecte, c’est faire la quête.

Pourtant, cette idée répandue s’essouffle peu à peu. Aujourd’hui, les institutions culturelles font de plus en plus appel à ce mode de financement, et ce à des fins diverses : soutien à une création, restauration d’une œuvre d’art, aide à l’ouverture d’une nouvelle structure. Deux raisons principales peuvent expliquer ce choix. D’abord la baisse importante des subventions publiques ; peu importe leur envergure, la plupart des institutions – musées, fondations, associations etc – souffrent de cette « crise » du monde culturel qui, pour l’heure, ne semble pas s’améliorer. Se lancer dans le financement participatif permet donc aux structures culturelles de pallier ce manque d’argent public. Mais cela leur permet également de suivre un système économique précurseur et prometteur, de renouveler leur politique de mécénat. Se lancer dans le crowdfunding, c’est s’inscrire dans une démarche positive et innovante. 

Cette démarche innovante peut servir plusieurs objectifs. La préservation du patrimoine culturel en fait partie. Le Musée du Louvre, que l’on ne présente plus, lançait en 2010 une immense campagne de financement participatif – accompagnée de son propre site de don en ligne – baptisée « Tous mécènes », dans le but de financer l’acquisition du tableau Les Trois Grâces, de Lucas Cranach l’Ancien. Une initiative qui a divisé l’opinion, mais qui a tout de même porté ses fruits : 7200 donateurs ont en effet récolté 1 million d’euros pour que le plus grand musée du monde puisse abriter le chef-d’oeuvre du XVIe siècle. Le succès est tel que le Louvre a depuis reconduit l’opération. Dernier financement en date : la Victoire de Samothrace, l’une des célébrités du musée. La statue est en cours de restauration grâce à la générosité des particuliers, et ce jusqu’à l’été 2014. Après cela, les donateurs pourront admirer ce à quoi ils ont contribué. Une récompense particulièrement gratifiante !

Le patrimoine bâti peut également bénéficier du soutien de donateurs particuliers. Même s’il ne s’agit pas de crowdfunding à proprement parler, la démarche de la Fondation du patrimoine est similaire. Leur but ? Sauvegarder et valoriser le patrimoine rural non protégé en utilisant divers moyens d’action, dont l’appel à contribution sur des projets déterminés. Reconnue d’utilité publique, la Fondation peut recueillir des dons qui seront affectés à la réalisation de ces projets. Réduction d’impôt au titre de l’impôt sur le revenu, convention entre deux partis, respect d’obligations du bénéficiaire (dans ce cas, le propriétaire du bien immobilier) envers la Fondation : le schéma classique du mécénat, que l’on retrouve sur certaines plateformes de crowdfunding, est présent. Cependant, au sein de la Fondation, l’identité du donateur doit répondre à un critère stricte : aucun lien capitalistique ou familial ne doit exister entre le propriétaire et le mécène. Ce qui constitue une différence notable par rapport au crowdfunding, dont l’une des bases est d’impliquer ses proches.

Préserver et valoriser le patrimoine, combler l’absence trop importante des aides de l’Etat, impliquer le public d’une manière nouvelle : tous les arguments sont favorables à l’émergence du crowdfunding au sein des institutions culturelles. Pour continuer à attirer toutes sortes de publics, ne faut-il pas suivre l’air du temps ? Tenter de rendre « branchées » des institutions souvent jugées trop désuètes ? Après l’entrée fracassante du numérique dans les musées – notamment par les outils de médiation –, le crowdfunding semble être une suite logique. Fin 2013, la plateforme américaine Indiegogo a recueilli une campagne de levée de fonds pour la construction du Musée de la science-fiction à Washington D.C. Plus qu’une action parmi d’autres, le financement participatif sert ici à la naissance même d’une institution. Une question, déjà soulevée mais jamais tranchée, se pose alors : le crowdfunding deviendra-t-il un jour indispensable à la culture ?

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À propos de l’auteur

“Après une licence d’Histoire de l’art à Lille puis à Rome, je me suis orientée vers un Master en patrimoine culturel au cours duquel j’ai effectué plusieurs stages dans les domaines de la presse et de la culture, deux choses dont je ne peux plus me passer ! Passionnée de cinéma, de cultures étrangères et de voyages, je suis actuellement en mission pour l’accompagnement des projets chez proarti, plateforme de crowdfunding dédiée au mécénat culturel.”

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